Au Paradis des Muses
« La poésie est mémoire, mémoire de l'intensité perdue. »
(Yves Bonnefoy)
Carte postale insidieusement glissée entre deux pages d’un livre. Petit ruban volontairement oublié dans le fond d’une poche d’un sac de voyage. Ce disque rituellement écouté dans la voiture. Et cette bibliothèque où je n’ose plus compter les ouvrages achetés sur les conseils d’une belle…
Cette chemise que je ne pourrai plus jamais porter innocemment. Cette place et cette rue, où plus rien n’allait être comme avant. Petit papier d’emballage de baguettes chinoises froissé au fond d’une sacoche. Cette habitude de demander un jus d’abricot quand je suis au restaurant.
Cette adresse que je connais par cœur. Cette corde qui n’a jamais servi à attacher des bagages. Ces vers de Gainsbourg, les envolées lyriques de Bashung et ces pages de Miller qui nous ont rendu meilleurs.
Ces fleurs blanches qui n’ont plus le même sens. Ce quai de gare où elle avait cette robe incroyablement indécente. Ce petit accent dans sa dans la voix et dont je me berce quand je repasse dans sa région. Ce Klimt, cet Ingres, ce Modigliani qui nous ont inspiré.
Ce stylo usé encore conservé qu’elle m’avait offert pour lui écrire des mots crus. Ces quelques lettres bien trop compromettantes que je n’ai pas conservées. Le son du piano qui résonne dans le bois du plancher quand je suis dans le noir, parfois.
Ces photos dont je suis le seul à pouvoir comprendre le sens. Et celles que je me suis interdit de prendre et qui restent imprimées à jamais dans mon cerveau. Ces traits si semblables aux siens sur des visages inconnus que je croise au hasard, et ces regards échangés...
Cette note pour deux cafés qui reste depuis des mois dans mon portefeuille. Ces deux bagues qui se côtoient à ma main gauche, l’air de rien. Et ce reste de parfum dans le fond de mon armoire, rangé là sans raison apparente.
Qui saura recomposer l’archipel infini de ma mémoire sensuelle et clandestine… ?
© DGC 03 2008
Illutration : Cabanel "Ophelia"Les traces d'émois
Les traces de pas
Les mois qui passent
Certains se lassent
Nos mots s'enlacent
Au fil des mois
Merci du compliment, Morgane...
Magnifique, ce texte
Chère Dame,
tu as raison de comparer la mémoire à une étoffe tissée de mille fils colorés et entrecroisés.
Parfois, elle nous réchauffe en hiver et c'est un plaisir pour l'oeil.
Pas si éparpillés que ça...
Sublime, merci!!!
Le printemps est propice au réveil de tous les sens...
Merci Sélène,
Chacun de nos sens peut être utile à capturer les délicieuses sensations que nous vivons quand nous sommes en bonne compagnie.
Ce sont les pépites de notre mémoire... Pour moi elles sont très précieuses.
Texte magnifique !
Beaucoup de poésie au traver du contact de ces objets familiers, des lieux traversés, des senteurs retrouvées.
Tous nos sens sont sollicités par ce texte très sensible.
Tristesse, nostalgie, bien sûr.
Mais aussi sublimation de ces sentiments par l'effet catharsique de la poétisation des souvenirs.
C'est émouvant, c'est très beau.
Merci.
L
Oui il peut y avoir une dose de tristesse et de nostalgie dans tous ces indices.
Chaque trace du passé est aussi un adieu.
Le temps qui passe, tout simplement, nous renvoit à notre condition de mortel.
Il nous reste à vivre intensément, chaque moment. Je m'en fais un devoir.
Des souvenirs complices
des moments partagés
une mémoire cultivée
... pour une Impératrice !
Je t'embrasse
*Soupir* : comme un sourire qui viendrait de loin ?
Un souffle libéré par ta mémoire peut être.
Ou le vent laissé par le spasme d'une fée...
Merci beaucoup Caélia.
des morceaux de toi éparpillés
simplement te lire et t'accepter
doucement te sourire et t'apprécier
tu as vu ? je n'ai pas écris "aimer"
c'est un grot mot, je n'ai pas oublié !
saches que toi aussi tu es rangé
dans ma mémoire, bien classé
des mots, des souvenirs, un café
gare de Lyon, puis à déambuler
La Bastille devenu notre lieu
où notre relation est visible des cieux
Tendrement à toi