Au Paradis des Muses



Qu'est la volupté elle même, sinon un moment d'attention passionnée au corps ?

 Marguerite Yourcenar Mémoires d'Hadrien

 

 

La caresse devint si soyeuse sous son doigt qu’il crut deviner qu’elle avait irradié son ventre et brutalement électrisé tout le reste de son corps.

Alors l’orage se déclencha, elle frémit.

Elle fut secouée de plusieurs spasmes profonds, crispa son regard, et tenta de s’extraire de son emprise.


Mais il la maîtrisa. Il contrôla ses torsions, ses tremblements et lui fit subir le plus abominable des supplices. Elle contesta et se rua mais il l’obligea à jouir encore. A jouir encore plus fort et plus longtemps. De sa main libre il contraignait ses poignets, de ses épaules il pesait sur son côté, de ses jambes il maintenait ses hanches. Il utilisa son menton et son front quand elle tanguait trop fort.

 


Prenant soin de surveiller ses réactions et de ne pas la blesser par la violence de ses contraintes, le plus délicatement possible, il poursuivait ses variations digitales et ses habiles explorations ondulatoires. La bataille faisait rage. Elle protestait mais il insistait d’une manière si persuasive qu’elle finissait par céder. Du geste et de la parole il obtint qu’elle s’offre encore à la caresse et franchisse les limites supportables du plaisir. Il devait prendre garde à ne pas faire fausse piste. Il savait qu’il fallait aller juste assez trop loin pour qu’elle apprécie totalement ce moment d’intensité inouï.

 

Quand elle rendit les armes, quand elle demanda grâce, quand elle ne protesta plus et qu’il sentit qu’elle avait frôlé la folie, il cessa son tourment et relâcha tendrement son emprise.

 

En la regardant rassembler les morceaux de soleil, les débris de miroirs, les éclats d’étoiles et les arcs en ciel qui divaguaient autour d’elle, il réalisa qu’il avait été profondément troublé par sa jouissance. Etait ce cela qu’il avait recherché ? Comblé de la voir désarçonnée par ce bonheur organique, il avait senti le corps de son amante s’accrocher contre le sien, se courber, se durcir, se raidir, se creuser, tenter de fuir, vibrer et s’affoler, se révolter sous la surprise du malicieux emprisonnement qu’il lui avait fait subir. Puis céder, se rendre, s’abandonner, pour enfin renaître. Il aurait aimé la sentir jouir contre lui pendant mille ans.  

 

 

© DGC 05 2008

Illustrations Hugo Pratt "Tango"

 

Mar 20 mai 2008 2 commentaires
si je pouvais commenter en son : soupir
j'ai senti en moi une montée de désirs
je me suis laissée à l'emprise de tes lignes
Rien que pour tout cela, merci....

Multi-sourires - le 20/05/2008 à 18h39
De rien... chère amie Multi, tes soupirs sont comme un langoureux ressac qui viendraient lécher les traces tièdes des corps sur la pierre.
Ces mots ne sont rien, ils sont tout petits, à côté des gestes équivoques, des rêves et des souvenirs des amants fous d'attente cherchant l'air.

Anonyme

Quelle plus belle motivation que celle-là quand d'aucuns ne cherchent que leur propre jouissance, faisant de l'autre un objet. Il devrait partir sur les routes avec son bâton de pélerin convertir tous les mécréants, les ignares, les individualites de l'amour...

gicerilla - le 01/06/2009 à 11h19
Oui Gicerilla,
Tu soulèves, sans en avoir l'air, le sujet le plus important, le plus beau et le plus sérieux à mes yeux. C'est une des raisons d'être de ce blog : "élever la conscience des amants" !
Nos contemporains ont-ils perdu le savoir-aimer de nos ancêtres ? L'occident chrétien a t-il définitivement laminé toute possibilité culture érotique ?
Les premiers mots qui me sont venus lorsque j'ai lu tes mots : "Cette douceur là entre ceux qui s'aiment de corps (et d'âmes ?) pourrait définir l'exact opposé de la pornographie."
Alors oui je prends mon bâton (de pélerin) et je continue à convertir les individualistes de l'amour, comme tu dis si justement. Mais j'ai besoin de celles, comme toi, Impératrices des arts de l'amour, pour éduquer mes congénères !
Merci... ;-)
Anonyme