Au Paradis des Muses


Eternité est l’anagramme d’étreinte.

Henry de Montherlant, Les Jeunes Filles

 

 

Lorsqu’en silence vous aurez aimé que je touche votre peau et que je goûte votre corps par tous les sens qui me sont donnés, vous attendrez de ma langue qu’elle vous exprime les mots nouveaux qui me viendront.

 

Au-delà des saveurs, des caresses et des regards les plus intenses, vous réclamerez sans me le dire qu’à votre oreille j’ose chuchoter quelques exquises grossièretés. Vous rêverez ces syllabes indécentes qui claqueront à votre tympan et vous étourdiront de surprise ou d’insolence. Connaissant vos penchants pour les murmures inconvenants et les sonnets blasphématoires, j’attendrai que mes silences vous soient devenus insupportables. Que votre attente soit enfin douloureuse.

 

Ma langue jouera un peu le long de votre jugulaire palpitante ou derrière votre nuque creuse et vous croirez peut être percevoir comme des cris étouffés ou des sanglots lointains. Je retiendrai les phrases émues et les sentences impertinentes qui se bousculeront en orages dans mon cortex surchauffé. Longtemps encore, nous jouerons de ces silences abominables. Nous tenterons d’apprivoiser du mieux que nous pourrons nos émotions tumultueuses en inventant quelques caresses inédites. Las, au bout du jour, nous essaierons de déguiser nos dernières volontés derrière des gestes devenus lourds et des regards troublés de fièvres.

 

La nuit tombera et puis nous soufflerons les chandeliers. Alors l’épaisseur de l’obscurité aiguisera encore nos perceptions. Pour vous j’élaborerai soigneusement quelques phrases acidulées comme on prépare une potion empoisonnée. J’y incorporerai quelques rimes salées, des arabesques imaginaires et quelques assonances inattendues. Impatiente, chaque froissement d’étoffe vous fera frémir, chaque glissement de ma peau vous fera supplier la fin de mon tourment. Les rythmes de nos souffles agités entreront en harmonie comme les battements de nos cœurs aux douze coups de minuit. Vous espérerez la délivrance quand j’ajusterai encore l’éclat d’une sonorité intrépide.

 

Dans un ultime sursaut de volonté, je m’approcherai de votre délicate et frémissante oreille et vous susurrerai crument mon serment. Vous croirez soudain au chant des sirènes, à la prière des braves, ou aux hululements des forêts. Je vous dirai ce que je veux être pour vous, ce que vous ne serez jamais pour moi et pourquoi chaque instant nous délivre à jamais. Je vous offrirai la quintessence de mon cri, je vous présenterai sans pudeur mon ultime clameur intérieure. Et pour en finir avec les mots, je vous offrirai une phrase ou deux, une belle image à emporter loin de moi. Juste quelques mots choisis, à peine articulés.

 

Au cœur de la nuit, la gorge séchée, après de longues minutes à attendre l’écho de ma voix, vous me répondrez souriante et glorieuse : « Mais vous êtes fou ?! »


 

 

 

© DGC 09 2009

Illustration : Alexandre Auguste Hirsch « La Nuit »

Dim 6 sep 2009 2 commentaires
Jolis jeux de langue...
Bises de papillon
VéroPapillon - le 07/09/2009 à 19h57

Véro, je me demande si les jeux de langues engagent autant que les jeux de langages...
Anonyme
C'est en visualisant un bord d'oreille
que mes yeux d'office s'émerveillent
Envie de sussurer mais aussi mordiller
s'il te plaît, laisse moi de ton lobe approcher
Multi-sourires - le 12/09/2009 à 09h29

Gloups ! Mordillages du lobe, chatouilles au tympan, effleurement des cartilages et parcours du pavillon... l'épreuve promet des émotions, miss Multi !
Anonyme