Que faire de la passion ?
Quand on est adolescent on peut se servir de l’amour pour s’émanciper.
Mais quand on est adulte ? Alors on peut appeler ça une quête impossible. Moi j’appelle ça une utopie.
(Antony Cordier, réalisateur de « Happy Few »)
Je devrais être le plus heureux des hommes.
Ma femme m’aime et veut rester fidèle à notre longue union. Elle s’occupe merveilleusement de notre foyer et de nos enfants, exerce sa passion comme travail, et déclare qu’elle ne pourrait pas vivre sans moi. Parfois elle me dit qu’elle tuerait mon amante si elle apprenait que je la trompe. Qu’elle serait prête à commettre un crime si elle découvrait que j’ai fait un enfant à une autre femme, ou si je l’abandonnais.
D’un autre côté, j’ai rencontré une sœur d’âme dont je suis passionnément, déraisonnablement, viscéralement fou amoureux, et qui a conscience que notre divine union, inespérée, remplit son cœur et son âme au point qu’elle m’a demandé de lui faire une fille avant que son corps ne puisse plus procréer.
Nous ne pourrons pas partager nos vies, tout au moins dans un court-moyen terme. Nous n’allons pas décider si vite de tout abandonner pour vivre ensemble, car les dégâts autour de nous seraient bien trop grands. D’ailleurs après son divorce, elle n’envisage plus de partager sa vie avec un nouveau partenaire.
Pourtant elle me manque tellement qu’un seul jour sans un signe d’elle me rendrait presque malade. Des centaines de kilomètres nous séparent et je supporte mal d’être loin d’elle. Je souffre aussi si je la sais en compagnie prolongée ou régulière d’un autre homme qui la convoite, même si elle n’est pas amoureuse de lui, même si elle ne partage pas sa vie avec lui.
Trouver sa juste place
Mais je suis totalement en paix dès lors que je sais que j’ai toute ma place dans son cœur. Je trouve alors ma véritable position, mon statut, mon rôle, ma situation. Je retrouve toute mon identité, au moins temporairement, en tant qu’amant magnifique, que Roi de cœur, à être celui qui peut partager à la fois la dimension affective, émotionnelle, spirituelle, érotique, libertine, créative, aventureuse, d’une relation à la fois libre et totalement privilégiée.
Cette place me convient puisque c’est celle qui me revient le plus naturellement. Je ne partagerai pas souvent ses soucis quotidiens ni ses petits matins laborieux. Elle ne connaitra pas non plus mes difficultés ou mes problèmes ordinaires. Et si nous nous voyons moins souvent que nous en rêvons, nous aurons l’avantage de ne partager que des moments complices exceptionnels, des escapades au dessus des étoiles, des plans stupéfiants aux saveurs de l’inédit, l’intensité des heures rares et sublimes, l’adrénaline polissonne et les poisons violents des plaisirs secrets que seules deux êtres libres et envoutés d’amour sont capables de se donner. Nous cultiverons et rallumerons ce feu aussi souvent que cela sera possible, aussi souvent que nous le pourrons.
Une utopie ?
Alors auprès de mon épouse parfois trop raisonnable, dont l’amour incandescent ne s’est jamais éteint, en mari satisfait, je saurai attendre nos heures inavouables et confidentielles, et je serai le plus heureux des hommes, en effleurant le rêve qu’un jour nos cœurs humains soient si larges qu’ils puissent aimer harmonieusement et paisiblement tous ceux et toutes celles qui aiment ceux et celles pour qui nous éprouvons un amour sincère et pur.
© DGC 08 2010
Photo DGC coll. pers : « l’Horizon»
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