« Marcher au Paradis ou dans l’Eden, O tentation : Accorde-moi une seconde pour succomber. »
Kate Bush The Rare flower
Une petite Lola, une Lolita qui en voulait à ma vertu, un jour a décidé que c’était à moi qu’elle se donnerait. Cette petite fleur un jour d’hiver m’est tombée dessus, croyant reconnaitre en ma personne le prince charmant dont elle rêvait.
Elle me connaissait sans que je le sache. L’année d’avant elle m’avait déjà ciblé, mais pas osé
franchir le pas, il faut croire. Moi c’est à peine si je l’ai reconnue. A cet âge là, c’est normal, je les mate pas comme un tordu.
Mais il a fallu qu’on se retrouve, et qui plus est chez ses vieux, et sur invitation. Imaginez
le tableau. Son paternel à ma droite, mon pote à ma gauche et elle en face qui me fait du gringue. Quinze balais, la minette. Et vas-y que je tords du cul en t’accueillant sur le parking, et que
je te mate et que je te caresse du pied et que je te frotte la jambe en faisant semblant de s’intéresser à l’autre…
Belle comme le jour, je vous dis. Vous pensez : une miss caramel comme je les aime, des
yeux noirs en amande et une bouche de rêve aux lèvres charnues. D’Amérique latine, qu’elle débarque, vous voyez le genre. Une vraie panthère colombienne. J’ai pas dit une tigresse brésilienne
mais c’est du pareil au même. Et affamée la donzelle ! Incroyable. Vraiment pas le genre farouche, ou alors juste pour sauver les apparences devant ses parents. A l’heure des présentations
elle s’est arrangée pour s’approcher de l’objet de son désir, c'est-à-dire moi, et se frotter l’épaule contre mon corps l’air de rien, pendant que sa mère tchatchait avec les invités et nous
servait du vin de Bourgogne. Elle en connait un rayon coté accueil sa mother, elle s’occupe du plus bel hôtel de la station.
Moi, je me sentais mal barré, ce soir là. Je me voyais déjà finir aux gnoufs pour détournement
de minette. J’en menais pas large sur le canapé entre la coquette qui m’allumait discrètement, sa petite sœur qui nous tournait autour et son cousin qui se renseignait sur mon grade. Mais elle
était maline autant que très coquine. Les gonzesses c’est comme les ouragans, on ne peut rien faire pour les arrêter. Discrète, féline et stratège, même. Alors au moment de placer les invités
autour de la table du diner, elle ne m’a même pas laissé de choix, c’est elle qui m’a mis pile en face d’elle. Pas moyen de lui échapper. Coincé dans son filet. Pas trop sauvage je l’ai laissée
faire, j’admets.
J’ai laissé venir en me disant que ça serait pas bien méchant. A cet âge là on a besoin de se faire les griffes de la séduction. Et de toute façon je ne voyais pas vraiment comment refreiner ses ardeurs dévastatrices. Qu’est-ce que j’aurais bien pu faire ? En plus à cette période c’est susceptible.
Mais il allait falloir gérer les conséquences. Qui mène la danse ? Elle s’amuse, elle
sourit, elle se tord et elle rigole. Toute la tablée s’imagine qu’elle est excitée par les blagues vaseuses de mon pote à côté d’elle. Mais s’ils savaient ce qu’elle est en train de me faire avec
ses pieds cette petite salope pubère.
Comme toujours en de telles circonstances on s’intéresse à son voisin. A ma droite, son paternel entame une conversation sur l’architecture traditionnelle alpine, les énergies tectoniques de la vallée et l’utilisation du Feng-shui dans l’habitat familial. Bien sur c’est passionnant mais mon esprit doit suivre deux sujets à la fois. Je masque mon trouble avec difficulté mais je continue à faire bonne figure. La petite garce n’a pas arrêté et s’amuse même de voir que j’admire son double jeu. Je n’ose pas imaginer de quoi elle sera capable dans dix ans, à l’âge où je m’autoriserai peut-être à la goûter, à l’âge où je serai peut-être devenu plus sage…
La fin de la soirée est proche et les filles rejoignent leurs chambres. Non sans avoir distribué quelques mots doux et menus présents aux invités de passage. D’une manière pas très discrète, mais à cet âge là elles ont encore ces jeux d’enfants, s’efforcent de penser les parents, j’imagine. C’est pourtant au cousin de passage que revient le privilège de me transmettre son billet « Je te passe mon numéro, je t’adore, ça m’a fait plaisir de te revoir. Ca reste entre nous. Laisse-moi un message. »
Lettres rouges sur feuille déchirée de cahier d’écolier. Un pur chef d’œuvre de fraicheur et de passion.
Le lendemain je lui ai laissé un petit message. Par pure politesse.
© DGC 02 2009
Illustration Terry Rogers « No stranger obsession »
Comment taire...