La raison et la logique, c'est pour les temps ordinaires.
(Jean Giono)
Quand nous aurons tant usé nos peaux par nos caresses
que nous ne pourrons plus nous toucher sans nous blesser,
aimerons nous encore la douceur des mois de mai ?
Quand nous aurons déchiré nos voix au feu du cri de nos plaisirs
et que nous ne pourrons plus rien prononcer,
saurons nous écouter nos silences obscurs ?
Quand nous aurons dispersé toutes nos forces
et que nos reins cambrés serons trop douloureux,
crois tu que nous aimerons encore danser ensemble ?
Quand nos baisers auront la saveur de nos sangs, de nos liqueurs secrètes,
et que nos bouches sèches réclameront le déluge,
reviendrons nous baigner nos corps au fleuve sacré ?
Quand nos regards rougis seront devenus flous,
que nous nous croirons devenus fous et que la nuit nous éblouira,
l’aurore, dis moi, sera-t-elle encore plus lumineuse ?
Quand nos veines transporteront l’acide et la lave
dans nos membres exténués, sous le ciel étoilé d’un soir de juillet
voudras tu que je repose ma tête sur tes pieds ?
Quand j’aurai tant mordu tes lèvres, que tu auras griffé mes épaules,
tordu mes bras et abandonné ton honneur,
est-ce que nous saurons sauver notre fierté ?
Quand j’aurai trop chanté de t’avoir trop aimé,
et que tu me demanderas de te parler encore, de me souvenir de toi,
notre histoire sera-t-elle complètement finie ?
Quand tu ne me reconnaitras plus, quand j’aurai trop changé
d’avoir vainement tenté d’oublier ton visage,
sauras tu cette fois-ci me faire changer d’avis ?
Quant tu voudras que je te lave, que je te lèche, que je te berce,
que je t’endorme et qu’enfin je t’abandonne,
saurons nous éviter les odieux mots d’adieux ?
Quand tu auras fini d’éveiller en moi les sentiments les plus rares,
les plus nobles, les plus violents et les plus indécents,
voudras tu me le dire si nous nous sommes aimés ?
Quand je rêverai de mourir pour toi, de tout casser, de tout brûler,
de m’enfuir et d’apprendre à marcher les yeux fermés,
serons nous devenus de meilleurs amants ?
Quand nous en aurons assez du silence et des mots,
des regards vers le loin, de l’espoir et du désir,
accepterons nous de souffrir de notre bonheur ?
Quand je t’aurai demandé de m’abandonner,
d’en aimer d’autres que moi, de t’éloigner pour que notre légende demeure,
te retourneras-tu pour me prendre la main ?
Quand je croirai tout connaitre de toi, deviner tes repères,
tes prières, prévoir tes gestes et tes pensées,
oserons nous, crois-tu, inventer l’impossible ?
Quand nous aurons compris que nos poitrines battent au même rythme
et ont besoin d’être ensemble pour pouvoir voyager,
trouverons nous au large les douces alizées ?
Quand nous aurons quitté tout ce qui nous appartient,
détruit tout ce que nous avions construit,
serons nous libres enfin, de nous abandonner ?
Quand nous aurons oublié qui nous rêvions d’être et qui nous sommes,
et que nous serons redevenus rivière, pierre, vent et lumière,
le monde sera-t-il meilleur que celui ci ?
© DGC 05 2008
Illustration « 978 » coll. pers
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